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Lilith

Déesse. Rebelle. Adversaire.

Com­plexe, la fig­ure de Lilith dif­fère d’une cul­ture à l’autre. Il s’agit prob­a­ble­ment du plus ancien mythe de révolte fémi­nine, elle est peut-être l’incarnation la plus iden­ti­fi­able du fémin­isme his­torique. Mais elle devient de plus en plus démo­ni­aque à mesure que le temps passe et les valeurs patri­ar­cales s’imposent. Elle s’en trou­ve réduite au rôle de démon dévoreur d’enfants qui s’enivre de leur sang et déterre leurs cadavres pour les vider de leurs entrailles.

Dante G Rossetti: Lady Lilith

Dante G Ros­set­ti: Lady Lilith

Le mot hébreu Lilit, qui prend en akka­di­en la forme Lil­i­tu, est un prénom féminin de racine pro­to-sémi­tique LYL « Nuit », qui sig­ni­fie lit­térale­ment « la femme de la nuit ».
Les divers­es éty­molo­gies de son nom, lay­il, leila ou lavlah, désig­nent invari­able­ment la nuit. Le nom même de Lilith représen­terait les ténèbres, l’obscurité, en con­séquence le noir, pareille­ment à ces nom­breuses Vierges Noires et déess­es par­entes de Lilith, dont les lieux de cultes étaient sou­vent étab­lis sur l’emplacement d’anciens sites ini­ti­a­tiques ; nous retrou­vons là le lien qui unit les anci­ennes déess­es de vie, de mort, de fécon­dité et de forces tel­luriques, bien antérieures au christianisme.
Mais tout porte à croire que l’origine de ce nom remonte encore plus loin et que les racines de Lil ou Lul (sig­nifi­ant sem­ble-t-il « lèvres » dans de nom­breuses langues pro­to­his­toriques et qui se retrou­vent encore en Français dans lippe et plus claire­ment encore dans le mot anglais lips), fai­saient à la fois référence, au niveau du sexe féminin, à ce qui s’ouvre au plaisir et donne la vie, et, au niveau de la bouche, à ce qui mange, ce qui tète et surtout ce qui parle.

Lilith était con­sid­érée comme la «main gauche» de la Grande Déesse suméri­enne Inan­na . Elle l’assistait en menant les hommes aux tem­ples de la déesse pour l’adorer en par­tic­i­pant à des rites tantriques. Lilith était une déesse de la fer­til­ité. Elle était une déesse-mère, une pro­tec­trice des enfants, une guer­rière féroce et une déesse agri­cole. Elle était adorée par des gens qui cher­chaient à avoir de bonnes récoltes et de nom­breux enfants. La mytholo­gie et les his­toires à pro­pos de Lilith ne sont pas très con­nues tant elles ont été effacés par les “nou­velles” reli­gions con­cur­rentes et patriarcales.

Il ya d’autres ver­sions de Lilith. Par exem­ple, en Grèce, Lilith est la déesse de la lune noire (Artemis est la déesse de la pleine lune et Hécate est la déesse du crois­sant de lune). En Grèce, elle a égale­ment été vénérée comme une déesse de la fer­til­ité aidant à la con­cep­tion des enfants et aux cul­tures. Si les légen­des et mythes au sujet de Lilith provi­en­nent de l’ancienne Mésopotamie, elle a beau­coup de vari­antes de noms sub­tils suiv­ant les régions, et ce jusqu’en Malaisie. Il est dit que Lilith n’est qu’un des vingt noms sous lesquels la pre­mière femme était con­nue et chaque nom est cen­sé con­tenir un « secret de mys­ti­cisme sexuel ».
Ces secrets reprèsen­tent prob­a­ble­ment les enseigne­ments éro­tiques et les tech­niques sex­uelles qui ont été enseignées aux ini­tiés et fidèles dans les tem­ples d’Inanna – Ishtar – Astarté. Des enseigne­ments et pra­tiques qui menaçaient les nou­veaux dirigeants patri­ar­caux et leurs ten­ta­tives de faire de la femme une ser­vante dépen­dante et monogame.

La Plaque Burney, ou Plaque de la Reine de la Nuit (The Burney Relief), -1950

La Plaque Bur­ney, ou Plaque de la Reine de la Nuit (The Bur­ney Relief), ‑1950

La pre­mière men­tion du per­son­nage de Lilith remonte au mythe Nanne et l’arbre hulup­pu, relaté dans la tablette XII du mythe Gil­gamesh. Cette tablette, qui date de 2000 av. J.-C., a été retrou­vée à Ur, cité mésopotami­enne. C’est le pre­mier texte sumérien retrou­vé faisant état d’une ki-sik­il (« jeune femme ») lil-là (« aéri­enne »), parce qu’elle vivait dans un arbre (l’huluppu, assim­ilé au saule) sur les bor­ds de l’Euphrate. C’est cet arbre que la déesse Inan­na sau­va des eaux en le plan­tant dans son jardin sacré à Uruk. Samuel Noah Kramer (?) qui a tra­vail­lé sur cette tra­duc­tion du mythe de Gil­gamesh, pré­cise que sik­il sig­ni­fie “Pure” dans le sens de par­faite, présen­tant l’absence de tout défaut.

L’ancêtre de Lilith est donc Inan­na (en sumérien) ou Ishtar (en akka­di­en). Ses prin­ci­paux attrib­uts sont une chou­ette, de part et d’autre, deux lions sur lesquels elle se tient, comme sur un trône, et des ailes. La chou­ette est un sym­bole de Con­nais­sance et de Sagesse (les Grecs en fer­ont un attrib­ut d’Athéna) car elle voit dans les ténèbres. Les lions sym­bol­isent la force. Les ailes sont un sym­bole d’appartenance au monde spir­ituel. Comme de plus Ishtar est présen­tée comme une femme belle, aux formes har­monieuses, ont peut donc con­clure que sa représen­ta­tion réu­nit les ver­tus de Sagesse, Force et Beauté, trois piliers de la Tradition.

Cette tablette n’attribue aucun car­ac­tère malé­fique à cette ki-sik­il lil-là. Comme on a pu l’observer pour d’autres mythes, les sémites baby­loniens et hébreux ont repris des élé­ments de la cul­ture suméri­enne pour leur faire subir une assim­i­la­tion au cours de laque­lle les noms ont subi des trans­for­ma­tions et les per­son­nages ont reçu des nou­veaux attributs.
Ain­si ki-sik­il lil-là devient Lilith en hébreu et Lil­itû en babylonien.

Ouroboros du Chrysopée de Cléopâtre (Chrysopoeia of Cleopatra)

Déesse-ser­pent, déesse ailée ou sirène (donc alliant les car­ac­tères chtonien, aérien ou aqua­tique), Lilith cor­re­spond pour Mar­i­ja Gimbu­tas (?) à la déesse mère dont on retrou­ve la trace depuis le paléolithique supérieur. On la retrou­verait égale­ment dans la « déesse aux ser­pents » de la civil­i­sa­tion minoenne et sous les traits d’Isis, la déesse ailée de l’Égypte anci­enne. La trans­for­ma­tion de cette déesse-mère en démon sem­ble s’être uni­verselle­ment pro­duite à la nais­sance du patriarcat.

Dotée d’une sex­u­al­ité illim­itée et d’une fécon­dité pro­lifique, tout en étant sym­bole de frigid­ité et de stéril­ité, épouse, fille et dou­ble du dia­ble, Lilith rassem­ble, dans la cul­ture judéo-chré­ti­enne, les côtés négat­ifs attribués à la féminité archaïque. A not­er que ce mythe anti-Lilith est aus­si présent dans l’Islam.

Le livre de la Genèse pro­pose deux réc­its de la créa­tion de la femme :
Dans le pre­mier, l’homme et la femme sont créés sous l’appellation adam(a), qui sig­ni­fie aus­si « human­ité » ou « terre » en hébreu.

Dieu créa l’Homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu ; il les créa mâle et femelle.

(Gen. I, 27) Il s’agit ici d’un réc­it du genre sac­er­do­tal datant de la péri­ode post-exilique (après l’an ‑535). Dans le sec­ond, où elle trou­ve son nom d’Ève, la femme est conçue à par­tir d’une côte prise sur le corps d’Adam (Gen. II, 22–23).

YHVH Dieu bâtit en femme la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena à l’homme. L’homme dit : « Celle-ci, cette fois, est l’os de mes os et la chair de ma chair ; celle-ci sera appelée femme, car c’est d’un homme qu’elle a été prise, celle-ci ! »

Ce texte est dif­fi­cile­ment com­préhen­si­ble si on ignore l’existence de la pre­mière femme, Lilith. Ce sec­ond réc­it est vis­i­ble­ment plus ancien que le pre­mier et proviendrait de la source yah­wiste, avant l’exil à Baby­lone (avant l’an ‑587).

C’est pour résoudre le con­tra­dic­tion posée par les deux réc­its non com­pat­i­bles de la créa­tion de la femme trou­vés dans la Genèse que les rab­bins vont emprunter le mythe de Lilith aux Sumériens, et l’enrichir, en par­ti­c­uli­er dans l’Alphabet de Ben Sira, com­men­taire de l’Ecclésiaste écrit entre les VII­Ie et Xe siè­cles après J.-C.
C’est là que se trou­ve expliqué le des­tin de Lilith : elle est tirée de la même terre-glaise qu’Adam (que l’Alphabet appelle Adam-Kad­mon) et donc se con­sid­ère comme son égale. Les deux pre­miers parte­naires humains, Adam et Lilith, ont été créés de manière à répon­dre à un désir man­i­feste du Créa­teur : il y aurait égal­ité de droits entre l’homme et la femme. La tra­di­tion tal­mudique affirme même qu’ils ont été créés unis par le dos.

Entre Adam et Lilith, un con­flit naît dont le pré­texte est la manière dont ils feraient l’amour — quelles seraient les posi­tions respec­tives de l’un et de l’autre ? — dis­sim­u­lant ain­si de façon sym­bol­ique le con­flit latent des pré­ten­tions à la supré­matie sociale. Lilith con­teste les reven­di­ca­tions de son mari à être le chef de famille, faisant ressor­tir l’équivalence de ses droits au sein du cou­ple, équiv­a­lence résul­tant des con­di­tions mêmes de la Créa­tion. Adam main­tient son intran­sigeance, affir­mant qu’il est le seul maître. Lorsque Lilith se rend à l’évidence que l’entêtement d’Adam est sans espoir, elle se résout à l’ultime démarche pos­si­ble : elle invoque le nom de l’Ineffable. Elle reçoit alors mirac­uleuse­ment des ailes et s’enfuit par les airs hors du Jardin d’Eden. Le cœur brisé, Adam implore le Tout-Puis­sant. Devant les plaintes d’Adam, Dieu envoie les 3 anges de la Médecine (Snvi, Snsvi et Smn­glof), pour essay­er de la raisonner.
Mais Lilith, s’obstine. Pour la punir, Dieu la con­damne dans Sa bon­té à met­tre au monde de nom­breux enfants par­mi lesquels cent devront mourir chaque jour. Dés­espérée, elle décide de se suicider.

Mus par le remords, les anges, ceux-là même envoyés par le Très-Haut, lui don­nent le pou­voir de tuer les enfants des Hommes. Elle aurait tout pou­voir sur les enfants nou­veau-nés, pen­dant huit jours après leur nais­sance pour les garçons, pen­dant vingt jours pour les filles. En out­re, elle jouirait d’un pou­voir illim­ité sur les enfants nés en dehors du mariage… les anges n’ont-ils donc don­né ce pou­voir à Lilith que par manip­u­la­tion politique?

Lilith, Adam et Eve

Elle ren­con­tre ensuite le démon Samaël, l’épouse et s’installe avec lui dans la val­lée de Jehanum, où il prend le nom d’Adam-Bélial. Pour se venger, Lilith devient ensuite le ser­pent qui provoque la Chute d’Ève, et incite Caïn à tuer Abel. Comme ses enfants s’entretuent, Adam refuse de couch­er avec Ève, ce qui per­met à Lilith d’enfanter des nuées de démons avec le sperme d’Adam qui tombe à terre pen­dant cent trente ans. En vérité je vous le dis, ils vécurent heureux et eurent plein de petits démons. Le mythe juif n’a plus aucun rap­port avec la Lilith suméri­enne des origines.

Mais le mythe de Lilith, femme dom­i­na­trice et rebelle, vam­pire et goule, se ren­con­tre dans bon nom­bre de mythes anciens.
Elle est con­sid­érée comme un équiv­a­lent de l’Isis égyp­ti­enne, à la fois la plus puis­sante des dieux du pan­théon égyp­tien, mais aus­si arché­type de l’Initiatrice, capa­ble de ressus­citer son mari, Osiris. Comme Ishtar qui va rechercher son mari Tam­muz aux Enfers. Lilith est sou­vent représen­tée sous la forme d’une femme-ser­pent, elle est assim­ilée au ser­pent de la Genèse, qui est aus­si le ser­pent de l’Initiation et de la Connaissance.
Lilith, “l’esprit rebelle”, fig­ure donc le mod­èle de l’Initiatrice, du ser­pent tel­lurique et aus­si l’archétype de la Grande Déesse Mère, l’Alma Mater, ter­ri­enne et tel­lurique, liée aux rites de mort et de fécon­da­tion, telle qu’elle fut adorée dans l’Egypte anci­enne ou dans la reli­gion minoenne, en Crète, jusqu’en 1500 avant J.C

Lilith est aus­si « Celle qui savait », surnom qui lui fut don­né par Bélial à cause de sa grande intel­li­gence — l’Initiatrice, celle qui a la Con­nais­sance, la Gnose. Bélial est pour l’Eglise chré­ti­enne le sou­venir des cultes de l’Antiquité. On voit l’équation:

Con­nais­sance, Ini­ti­a­tion, Gnose = Ser­pent, Bélial, Lilith

Ser­pent, Bélial, Lilith, les forces démo­ni­aques. L’utilisation de la reli­gion à des fins poli­tiques n’est pas nou­velle. Dans ce cas, restrein­dre les droits de la femme en enseignant que Dieu l’a créée soumise à l’homme. La stig­ma­ti­sa­tion du com­porte­ment anti­so­cial et blas­phé­ma­toire des femmes insoumis­es se fait par la dégra­da­tion de l’image de la Grande Déesse en mon­stre infernal.
En dernier lieu, l’équation nous dit que la con­nais­sance est dia­bolique pour main­tenir la masse dans une hébé­tude intel­lectuelle et émo­tion­nelle — igno­rance, cul­pa­bil­ité, peur du châ­ti­ment, frus­tra­tion et intolérance.
Obscu­ran­tisme et dog­ma­tisme, l’assurance que tout un cha­cun ait la foi.

La Grande Mère des orig­ines, Gaïa, la Terre, est l’égale du Père, Oura­nos, le Ciel, dans la créa­tion de toute chose. Elle est celle qui donne la vie et qui la reprend, gar­di­enne du pas­sage qui con­duit à la vie (la nais­sance) ou qui mène aux enfers (la mort). Son sexe et son ven­tre sont des métaphores du monde souter­rain, séjour des morts mais égale­ment lieu de ges­ta­tion et de fer­til­ité. Elle est alter­na­tive­ment Per­sé­phone, la gar­di­enne des enfers, et Déméter, la déesse des moissons. Elle est donc l’intermédiaire oblig­ée entre le monde d’en bas (ici-bas) et le monde d’en haut, entre l’intérieur et l’extérieur.

Gus­tave Doré: La danse du sabbat

La sor­cière de toutes les tra­di­tions, prêtresse de Satan, appa­raît ain­si comme une éma­na­tion de Lilith, le dia­ble femelle. En effet, les sab­bats, rit­uels démo­ni­aques et autres pactes sataniques, tels qu’ils nous sont rap­portés par les textes ou l’imagerie pop­u­laire, met­tent presque exclu­sive­ment en scène des femmes. Mais pourquoi les femmes suc­combent-elles plus facile­ment que les hommes aux oeu­vres du Malin?

Cette préférence démo­ni­aque touche au mys­tère de la sex­u­al­ité et de la fécon­dité, évo­qués dans les arché­types de Lilith et d’Eve. Les femmes ont le pou­voir de don­ner nais­sance. La mater­nité rend les femmes démi­urges : elles créent des êtres de chair et de sang, grâce à une alchimie mirac­uleuse et secrète à laque­lle les hommes ne pour­ront jamais pré­ten­dre. Ce pou­voir féminin sur la vie est pour l’homme un incon­nu fasci­nant mais effrayant. Une femme enceinte ou en couch­es acquiert une dimen­sion sacrée, occulte, mag­ique. Il y a une équiv­a­lence entre l’acte sex­uel et la sor­cière à cal­i­four­chon sur son bal­ai ; entre le ven­tre rond d’une femme enceinte et le chau­dron mag­ique de la sor­cière ; entre les cris et les souf­frances de l’accouchement et les sac­ri­fices de nou­veau-nés à Satan. Il sem­ble bien que la “sor­cière” ne soit jamais qu’un reflet angois­sé arché­typ­al de la femme devenant mère dans l’imaginaire mas­culin. Ensor­celées, les femmes devi­en­nent tour à tour la proie et l’alliée du démon.

Femme est plus rusée que le dia­ble”, dis­ait-on au XII­Ie siè­cle. L’Eglise catholique romaine a longtemps enseigné que les femmes étaient des créa­tures démo­ni­aques, menteuses, fourbes et ten­ta­tri­ces… au con­cile de Nicée (325), on leur dénia même le droit d’avoir une âme. Même Marie-Madeleine, bien que désignée par le Christ comme Apos­to­la Apos­tolo­rum, sera reléguée au sec­ond plan au prof­it de l’Apôtre Pierre. L’Eglise, devant la recon­naître par­mi les Saintes, en fera une pécher­esse repen­tie et une anci­enne pos­sédée, lais­sant ain­si la pri­mauté aux hommes.

Sab­bat à Paris, carte postale, 1910

La vérité, c’est que der­rière son masque gri­maçant et son rôle de femme dan­gereuse, la sor­cière aus­si a une ver­tu ini­ti­a­tique. Ses usten­siles préférés, le bal­ai et le chau­dron, sont les sym­bol­es de cette ini­ti­a­tion. Un bal­ai-act­if qui vole dans les airs, et relie le ciel et la terre. Un chau­dron-récep­ta­cle où se con­coctent en secret les philtres et les potions mag­iques. Et entre les deux, le con­duit de la chem­inée par lequel s’envole la sor­cière, pour pass­er d’un monde à l’autre.
Magi­ci­enne de l’ombre, elle est le fer­ment néces­saire qui fait lever la pâte, l’oeuvre au noir du proces­sus alchim­ique, le plomb qui se trans­mute en or. Le noir effraie, nous entrons dans le monde obscur. Cepen­dant, étudié sous un angle plus sym­bol­ique, le noir est indu­bitable­ment l’emblème d’une sci­ence secrète. Le noir est la pre­mière couleur du Grand Œuvre alchim­ique, représen­tant la phase de sépa­ra­tion et de dis­so­lu­tion de la matière. Pour les alchimistes, ceci con­stitue la par­tie la plus déli­cate du Grand Œuvre « Elle sym­bol­ise les épreuves de l’esprit se libérant des préjugés ».

Lilith, représen­tant les ténèbres, l’obscurité, le noir, la Lune, est entourée du même mys­tère que les nom­breuses Vierges Noires du Moyen Age, qu’Isis, Kali, Sarah la noire ou Marie l’Egyptienne ; sym­bol­ique­ment, ces per­son­nages ou ces divinités sont les hiéro­phantes (prêtres prési­dant aux mys­tères d’Éleusis) de cette sci­ence secrète. En fin de compte, Lilith représente en nous ces forces pri­maires qu’on ne maitrise pas, le pou­voir de l’Instinct, qui finale­ment fait peur. Adam représente pour sa part l’humain dans sa quête. Il rejette les forces instinc­tives et char­nelles parce qu’il ne les maîtrise pas, il les refoule, les renie, croy­ant ain­si, à l’encontre de tout bon sens, les dompter et les contrôler.

Si le réc­it de la Genèse con­servé dans la Bible présente Eve comme la seule com­pagne de l’homme, le Zohar explique com­ment l’être humain pri­mor­dial fut créé androg­y­ne, mâle et femelle :

Dieu fit l’homme par­fait. Il le for­ma mâle et femelle et la femelle com­prise dans le mâle. […]
Ensuite, Dieu fendit Adam, en sépara la femelle et il pré­para la femelle, telle qu’on pré­pare une fiancée et qu’on la pare pour l’introduire sous le dais nuptial.

Lilith est la vraie moitié d’Adam, au pro­pre comme au fig­uré. Lilith, la démone, la rebelle ayant préféré s’enfuir plutôt que de se con­tenter d’être la “fiancée” d’Adam, c’est-à-dire la femme soumise à l’homme, serait ain­si son âme-soeur en exil, ou plus exacte­ment son esprit rebelle.

Mais il y a une autre rai­son plus essen­tielle: par la sépa­ra­tion de l’androgyne pri­mor­dial, Dieu inflige à sa créa­ture une blessure cru­elle, une ampu­ta­tion d’une par­tie de soi-même. De par­fait, entier, achevé, “divin”, cet être devient scindé, divisé. Ce que Lilith refuse, c’est la perte de l’unité divine. C’est pourquoi elle s’oppose, après en avoir été détachée “par l’esprit”, à s’unir à Adam “par la chair”. Par­tie inté­grante de l’homme, elle ne veut pas être séparée de l’homme pour lui être ensuite soumise.

Au bout de son expéri­ence, l’Homme doit retrou­ver Lilith, représen­tante de l’Ombre, faire face à ses peurs, les recon­naître et les inté­gr­er. Lilith est sa vraie moitié, celle sans laque­lle il n’est pas com­plet. En se réu­nis­sant à elle, il devient alors un dieu — son pro­pre dieu — celui qui a vain­cu la peur, a vain­cu le Drag­on de la légende, a ren­con­tré le Gar­di­en du seuil, a vain­cu la dual­ité. Il ne rejette plus les ténèbres, elles lui appar­ti­en­nent, elles devi­en­nent pour lui une énergie, une source de vie : il a retrou­vé son unité première.

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John Collier: Lilith

John Col­lier: Lilith

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Pride and Revolt,
Curse and Banishment,
Pow­er and Knowledge,
Hail Lilith!

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Sources
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